IWD2023 Q&A : Les lois doivent protéger les droits fonciers des femmes, quel que soit leur statut – Dr Edeme
- Le Dr Janet Edeme est le chef de la division du développement rural au sein du département de l’agriculture, du développement rural, de l’économie bleue et de l’environnement durable de la Commission de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie.
- Sa division est chargée de coordonner la mise en œuvre de l’Agenda de l’Union africaine sur la terre et ses défis, la gestion des pertes après récolte et l’autonomisation des femmes et des jeunes dans l’agriculture.
Focus spécial sur les voix de premier plan en matière de droits fonciers des femmes en Afrique
Quelle est l’importance de la Journée internationale de la femme (JIF) et que représente-t-elle pour vous ?
La Journée internationale de la femme nous rappelle le rôle essentiel des femmes dans nos sociétés et leur précieuse contribution à l’Afrique. Si l’on considère le paysage africain, nos femmes contribuent à la subsistance de nos systèmes agricoles et alimentaires et à la réalisation de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les femmes ont donc besoin de terres et d’autres ressources productives pour pouvoir contribuer au développement durable de l’Afrique.
Lorsque les femmes pourront jouir de leurs droits fonciers, elles seront en mesure de contribuer suffisamment à la réalisation de l’Agenda 2063 ; plus précisément, l’aspiration 6 envisage une Afrique dont le développement est axé sur les personnes, en s’appuyant sur le potentiel offert par le peuple africain, en particulier ses femmes et ses jeunes, et en prenant soin des enfants. Grâce à l’aspiration 6 de l’Agenda 2063, nous espérons atteindre la pleine égalité des sexes dans toutes les sphères de la vie, y compris l’accès et la possession de terres productives.
Vous travaillez dans ce domaine depuis longtemps. Qu’est-ce qui, de 2022 à 2023, vous a le plus surpris en matière de droits fonciers des femmes ?
Au cours de la période 2022 et des premiers mois de 2023, le monde se remettait de la pandémie de Covid-19. Cette pandémie a bouleversé le statu quo et a suscité une réflexion renouvelée sur la gestion des chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales.
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine a toutefois ralenti le processus de rétablissement après la pandémie de Covid-19, et nous avons constaté une augmentation des coûts de production agricole, en particulier en Afrique subsaharienne, qui est fortement tributaire des engrais, des produits agrochimiques et des intrants agricoles bruts provenant des deux pays en conflit depuis près de deux ans maintenant.
Nous devons donc repenser et élaborer des stratégies pour que les femmes puissent se positionner et appliquer des pratiques agricoles durables susceptibles d’améliorer leur productivité et de tirer parti des opportunités que créerait la réduction des importations de produits alimentaires en provenance d’Europe. Nous disposons de suffisamment de terres en Afrique, mais nous devons veiller à ce que nos femmes soient résilientes face aux nombreux chocs extérieurs, notamment les guerres, les épidémies et le changement climatique.
Comment pouvons-nous reconstruire une société qui soutient les droits fonciers des femmes ?
Pour avoir une société qui soutient les droits fonciers des femmes, nous devons veiller à ce que nos États membres mettent en place des politiques et des cadres juridiques qui protègent les droits fonciers des femmes malgré leur statut et quels que soient les régimes fonciers dont elles disposent.
Il est également nécessaire de s’adapter aux technologies de l’information et de la communication (TIC) à faible coût et aux applications associées et de les utiliser pour améliorer le partage d’informations entre les femmes et les autres groupes vulnérables. Cela permettra de sensibiliser les femmes aux possibilités qui leur sont offertes de tirer parti de leurs droits fonciers et d’en bénéficier. Les TIC peuvent également faciliter l’accès des femmes à l’enregistrement des droits fonciers, à la vulgarisation agricole, au financement et à l’assistance technique.
Nous exhortons également les États membres de l’UA à augmenter délibérément le quota de participation des femmes aux diverses plateformes de dialogue public-privé (PPD), tant au niveau régional que national. Ceci est essentiel pour faciliter la participation des femmes à la planification et à la prise de décision et pour accroître leur accès à l’information sur la terre.
Que peuvent faire les hommes pour contribuer à l’égalité des droits fonciers des femmes ?
Les hommes participent à la prise de décision concernant la terre. Ils sont également impliqués dans l’administration des terres dans le monde entier et peuvent promouvoir les droits des femmes à la terre dans leur rôle quotidien d’administrateurs de cette ressource vitale. Il s’agit notamment de créer un environnement commercial favorable aux femmes qui limite les obstacles à l’entrée des femmes et des entreprises dirigées par des femmes dans les différents secteurs de l’économie.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes désireuses de faire carrière dans le secteur foncier/de la gouvernance foncière ?
Les opportunités dans le secteur foncier sont diverses, et vous pouvez toujours trouver une place pour influencer le changement en tant que géomètre, administratrice, avocate défendant d’autres droits des femmes, décideuse politique et planificatrice. Les possibilités sont infinies dans le secteur foncier !
Avec la numérisation croissante des processus, nous attendons des jeunes femmes douées pour la technologie qu’elles développent de manière innovante des technologies et des plateformes qui permettront de relever les défis qui affectent de manière disproportionnée l’accès des femmes à la terre. Travailler dans le secteur foncier vous permet de contribuer au développement, de manière spéciale et unique.